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Chez Jeannette Fleurs

“Je m'intéresse à tout, je n'y peux rien.” Paul Valéry. Poussez la porte de la boutique : plus de 1.700 articles.

Benalla par Ariane

Ariane, ma soeur, de quel amour blessée
Vous mourûtes au bord où vous fûtes laissée.
Racine (Phèdre Acte 1 Scène 3)

Ariane...

Me vient le vers de Racine...

Sans doute le plus beau de toute la littérature française.

Ariane...

Oui, Ariane Chemin.

Peu, hors notre milieu journalistique, peu la connaissaient avant la détonation de l'affaire Benalla.

Ariane Chemin c'est LA journaliste qui me proposait, en message privé Twitter, d'aller prendre un café le 29 janvier dernier, pensant que j'habitais toujours au 20, rue Larrey, Paris 5ème.

Ariane Chemin c'est LA journaliste qui a remporté avec sa consoeur Raphaëlle Bacqué le prix Hervé Ghesquière le 9 juin dernier pour leur ouvrage "La communauté".

Ariane Chemin, c'est LA journaliste dont je vous ai reproduit, dans ce blog, le 16 juillet dernier, l'article : Coupe du Monde : Aimons-nous vivants.

Ariane Chemin c'est LA journaliste du Monde qui a révélé l'affaire Benalla.

Dans son article du mercredi 18 juillet dernier.

Je reproduis ici l'article du jour (acquis scrupuleusement pour 2 euros) car c'est un pur modèle pour les étudiants en journalisme.

L'attaque est grande.

La chute est forte.

Et entre les deux...

Mais à vous de découvrir...

...................

Alexandre Benalla, les
mystères d’une ascension

 

Le « petit gars de la Madeleine », une ZUP d’Evreux,

a réussi à se forger une place prépondérante auprès

du chef de l’Etat.

C’est un gros trousseau mé­tallique. Accrochée à l’anneau, l’une des clés ouvre le petit portail gris du Touquet, au pied de l’escalier qui mène à la maison de Brigitte et Emmanuel Macron, ce lieu de vacances où le président de la République aime passer week-ends et moments en famille, avec les enfants et les petits-enfants de sa femme. Alexandre Benalla y accompagne souvent le couple, pour assurer sa sécurité. Lorsqu’il va dîner en ville au Café des sports ou quand il regagne Paris et l’Elysée, Alexandre Benalla ouvre et ferme la maison.

On ne se sépare pas facilement d’un homme auquel on a confié les clés de son intimité. On ne quitte pas de gaieté de cœur un compagnon de route qui connaît une bonne dose des secrets de campagne, écoute et participe aux conversations au sommet. Benalla était bien davantage qu’un simple garde du corps présidentiel, bien plus qu’un homme chargé « de la logistique et des bagages », comme l’a dit lundi 23 juillet le patron de La République en marche, Christophe Castaner.

Il rencontrait des élus, des chefs d’entreprise et des lobbyistes, croisait des hommes du renseignement, des avocats et des hommes de pouvoir étrangers. La confiance était telle qu’il participait, selon une source à l’Elysée, au petit groupe de travail préparant la réforme de la sécurité du Palais, visant à créer une direction de la sécurité de la présidence de la République, une structure indépendante de la police et de la gendarmerie et rattachée directement au chef de l’Etat.

« Un monde de mythomanes »

« Qu’est-ce que je demande, pour après ? », s’interrogeait Alexandre Benalla devant quelques-uns de ses amis au lendemain du premier tour alors que la victoire de son champion Emmanuel Macron devenait une évidence. Il réfléchit à un poste au ministère de l’intérieur, dont on dit alors qu’il reviendra à Christophe Castaner, croisé et recroisé au cours de la campagne. Benalla préfère suivre Emmanuel Macron et choisit un simple poste de « chargé de mission ».

 

C’est la meilleure façon de ne pas apparaître, explique-t-il très franchement à quelques connaissances. Une loi d’octobre 2013 votée après l’affaire Cahuzac oblige bien « les membres des cabinets ministériels et les collaborateurs du président de la République » à transmettre leur déclaration d’intérêt à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), mais le texte ne définissant pas la notion de « collaborateurs », la Haute Autorité ne contrôle que les personnes figurant au Journal officiel ou sur les organigrammes ministériels.

 

Jusqu’ici, pourtant, Alexandre Benalla appréciait les titres ronflants et gonflait volontiers l’intitulé de ses fonctions. En juin 2016, il entre à la délégation interministérielle pour l’égalité des chances des Français des outre-mer, dirigée par le triple champion du monde de boxe Jean-Marc Mormeck. Le jeune homme de 24 ans se fait fabriquer des cartes de visite le présentant comme « chef de cabinet », un poste inexistant dans cette petite structure au budget minuscule. Il est en réalité chargé de conseiller Mormeck sur la jeunesse et les banlieues, bénévolement qui plus est. Il travaille à la même époque pour une société de sécurité privée. Un jour, ses collègues de la rue Oudinot l’aperçoivent à la télévision : le vrai-faux chef de cabinet travaille dans le même temps pour la campagne du candidat Macron !

 

« La sécurité, c’est un monde de mythomanes », nous avait prévenus un professionnel ayant participé à plusieurs missions pour la campagne d’Emmanuel Macron. Le parcours d’Alexandre Benalla tel que Le Monde a pu le reconstituer ne manque, en effet, pas de zones d’ombre et d’exagérations. Seule certitude : il est né à Evreux, dans l’Eure, le 8 septembre 1991. Après son bac ES, il obtient une licence de droit à Rouen et un master 1 de « sécurité publique » à Clermont-Ferrand, avec une mention « assez bien ».

 

A ses amis, il raconte peu de chose sur sa jeunesse et sa famille. « Il ne parlait jamais de son père », Abderazzak, s’étonne maintenant une vieille connaissance. Sa mère aurait été permanente du PS. « J’ai l’impression qu’elle l’élevait seule », confie aujourd’hui un dirigeant du PS local. « C’était un petit gars de la Madeleine », une ZUP d’Evreux, se souvient Marc-Antoine Jamet, ancien collaborateur de Laurent Fabius, pilier de la « fédé » socialiste de l’Eure, par ailleurs secrétaire général du groupe de luxe LVMH. Il a rencontré le garçon quand il frayait avec le MJS local. Benalla est revenu le voir deux fois, en 2015, accompagné du patron de la société de sécurité Velours, son employeur de l’époque, puis en 2017, fort de son nouveau poste à l’Elysée.

« Nettoyer la fédération »

Au PS, Benalla croise la route d’Eric Plumer, dit « Jaurès », patron historique du service d’ordre, qui le prend sous son aile. En 2010, Solférino entre en guerre avec le maire de Montpellier, Georges Frêche, et met sous tutelle la fédération de l’Hérault. Pascale Boistard, secrétaire nationale du PS, descend parfois à Montpellier. Elle demande à être accompagnée d’un membre du service d’ordre, en cas de dérapage. Eric Plumer lui adjoint le tout jeune Alexandre Benalla pour « nettoyer la fédération ». Il devient quelques mois durant le collaborateur non rémunéré de la nouvelle députée de la Somme, bénéficiant de l’accès à la bibliothèque ou à la salle de sport du Palais-Bourbon. A Pascale Boistard, il explique qu’il travaillait dans la sécurité privée pour payer ses études.

 

Selon un CV adressé par le jeune homme à de potentiels employeurs et que Le Monde s’est procuré, il est recruté à la fin de 2012 par Velours International, fondé par deux anciens policiers de l’antigang. Il y aurait été chargé de « conseil stratégique et influence », du “lien avec les institutionnels” ou de la « mise en place des partenariats stratégiques ». Du vent, selon un ancien de la société, qui assure que celle-ci attendait davantage du carnet d’adresses que le jeune homme se vantait de posséder. Benalla travaille pour le groupe Velours jusqu’en 2015. Il monte notamment une filiale marocaine. Elle ne décolle jamais et ferme vite.

 

On retrouve ensuite l’ancien gamin d’Evreux à Munich, au siège de l’Office européen des brevets (OEB). Entre novembre 2015 et novembre 2016, cette institution dépendant de l’Union européenne fait appel aux services d’une société de sécurité domiciliée au Luxembourg et dirigée par deux anciens militaires français, Sigma 3D Security Services. C’est dans ce cadre que Benalla devient garde du corps du président de l’OEB, le Français Benoît Battistelli. L’atmosphère est lourde à l’OEB. Les collaborateurs reprochent au président son autoritarisme. Le président, lui, se croit menacé de mort. Sur son CV, Benalla gonfle une nouvelle fois ses fonctions : le simple prestataire de services devient « fonctionnaire international ».

 

A cette époque, ses amis se souviennent l’avoir vu se transformerphysiquement. Il était plutôt gringalet, le voilà qui gagne en carrure et en musculature grâce à des entraînements intensifs en salle et la pratique de la boxe, comme son nouvel employeur, Jean-Marc Mormeck. Il fréquente notamment les rings d’Aulnay-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis. Une vraie baraque. Il ressemble enfin à un garde du corps, un bodyguard, un vrai, qui peut jouer au dur sans être ridicule.

 

Un ancien du PS l’ayant croisé à l’époque se souvient qu’il évoquait des liens avec le milieu du banditisme. « On a passé énormément de soirées ensemble et je peux vous dire que c’est un monde qu’il ne connaît pas », assure Karim Achoui, ancien avocat favori du milieu, aujourd’hui radié du barreau. Benalla lui aurait été présenté par « des amis communs » au moment où le jeune homme travaillait chez Velours International. L’ancien avocat se souvient d’un gamin curieux et serviable. Quand Karim Achoui, déjà victime d’une tentative d’assassinat en 2007, se sent à nouveau menacé, Benalla lui rend service : « J’avais saisi le ministère de l’intérieur d’une demande de permis de port d’arme, Benalla m’avait accompagné dans cette démarche, il m’avait conseillé sur les arcanes administratifs. » La demande avait finalement été refusée.

« Il l’a jeté violemment »

Avec Emmanuel Macron, Alexandre Benalla passe à une vitesse et un niveau supérieurs. Il est présent à toutes les étapes qui marquent l’ascension de l’ancien ministre de l’économie de François Hollande. Le jour de la déclaration de candidature, le 16 novembre 2016, il se fait pourtant remarquer d’une étrange manière : il expulse manu militari un militant communiste venu poserune question. « Il l’a jeté violemment de la salle », raconte au Monde le photographe de l’agence Sipa Mario Fourmy, qui assistait à la scène.

 

Le lendemain, Alexandre Benalla accompagne le tout nouveau candidat pour un déplacement de deux jours à Marseille. Au programme, un meeting aux Pennes-Mirabeau, dans la banlieue de la ville, en présence de Christophe Castaner. La sécurité du candidat était jusqu’alors assurée par trois boxeurs bien connus dans les Ardennes, les frères Zaïm, recrutés juste après le départ de Bercy. Ce 17 novembre 2016, Benalla fait le fier devant le trio. Hamid Zaïm tente de l’arrêter par une clé de bras. On évite de justesse la bagarre, mais, à compter de ce jour-là, les frères Zaïm disparaissent du circuit : place à Alexandre Benalla, « directeur de la sûreté et de la sécurité d’En marche ! »,comme disent ses cartes de visite.

 

Il est bien d’autres choses. Un après-midi de mars 2017, le 14 exactement, le journaliste

Georges Malbrunot a rendez-vous au Ritz avec Jamal Al-Dhari, exilé irakien fortuné. « Son oncle, Hareth Al-Dhari, avait été contacté pour nous libérer d’Irak, moi et les autres otages, en décembre 2004 », raconte le grand reporter du Figaro au Monde. Quand il arrive dans la suite du cheikh, à l’étage du palace parisien, un jeune homme est là. Il se montre discret et fait bonne impression au journaliste, lui dit s’occuper de la sécurité du cheikh, et se passionne pour l’Irak. A la fin de l’entretien, il lui glisse sa carte de visite. Celle d’En marche !

Stands de tir

Le soir de la victoire, à la pyramide du Louvre, c’est lui seul qui guide dans la nuit les pas du tout nouveau président. En ce mois de mai 2017, il se vante devant plusieurs amis d’avoir caché un « flingue » dans le sac en bandoulière qu’il porte devant lui. Bluff, ou réalité ? Benalla s’exerce dans des stands de tir et rêve depuis toujours d’un permis de port d’arme en bonne et due forme, qu’il obtiendra finalement le 13 octobre 2017, par l’intermédiaire du préfet de police de Paris, Michel Delpuech, sans prévenir la Place Beauvau.

 

Rien n’est jamais sûr avec Alexandre Benalla. Seule certitude : le soir de la victoire, il possède bien, depuis plusieurs semaines, un permis de port d’armes temporaire qui lui a été délivré par la préfecture de police de Paris, a confirmé Gérard Collomb le 23 juillet devant la commission des lois de l’Assemblée nationale, rassemblée en commission d’enquête. Petit bémol : l’autorisation n’était valable…. qu’à « l’intérieur des locaux » parisiens d’En marche !, rue de l’Abbé-Groult, a précisé le ministre de l’intérieur.

 

Dans son portefeuille se trouve aussi un passeport diplomatique. Bien rangée aussi, une carte d’accès à l’Assemblée, un badge H, celui qui permet d’entrer jusque dans l’Hémicycle. Un passe réservé en principe aux conseillers parlementaires des ministres et aux conseillers de la présidence du Palais-Bourbon, dont la demande a été faite par le directeur de cabinet du président, Patrick Stzroda.

 

Alexandre Benalla semble avoir accès à tout et à tout le monde, bien au-delà du petit monde des flics, des gorilles et des vigiles où il avait choisi d’évoluer. Il porte désormais des petites lunettes cerclées et des costumes bien ajustés. Mais après avoir été celui qui fermait à double tour la maison du Touquet, il a été obligé de rendre les clés de son bureau de l’Elysée, et de son tout nouvel appartement de fonction du quai Branly, la prestigieuse dépendance de l’Elysée.

 

Ariane Chemin et François Krug

No comment.

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Cabinet du Président de la République.

Cabinet du Président de la République.

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