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Chez Jeannette Fleurs

“Je m'intéresse à tout, je n'y peux rien.” Paul Valéry. Poussez la porte de la boutique : plus de 2.200 articles.

Charonne, 8 février 1962

"Ce n'était pas un "accident" mais le résultat d'une violence policière banalisée et routinière."
Alain Dewerpe

8 février 1962

Manifestation tragique au métro Charonne

 

 

 

 

Depuis plusieurs mois, les clandestins de l'OAS (Organisation de l'Armée Secrète) multiplient les attentats contre les officiels français accusés de négocier l'abandon de l'Algérie avec le FLN.

Le 7 février 1962, une charge de plastic est déposée sur un rebord de fenêtre au domicile du ministre des Affaires culturelles, André Malraux, 19 bis, avenue Victor Hugo, à Boulogne-sur-Seine.

Des éclats de verre blessent cruellement une fillette de quatre ans, Delphine Renard. L'émotion est immense et les syndicats et partis de gauche appellent les citoyens à se rassembler place de la Bastille, à Paris, dès le lendemain soir, jeudi 8 février 1962.

Le ministre de l'Intérieur Roger Frey interdit la manifestation dans la crainte de débordements. Le préfet de police Maurice Papon, qui s'est déjà illustré dans la répression du 17 octobre 1961, déploie d'importants effectifs de police sur la place de la Bastille pour en interdire l'accès.

En début de soirée, les manifestants, qui se sont néanmoins agglutinées aux alentours, commencent à affronter les policiers. Ces derniers chargent la foule...

Sur le boulevard Voltaire, des manifestants croient échapper aux coups de matraque en descendant dans le métro Charonne. Mais c'est pour s'apercevoir que les grilles ont été fermées dès le début de l'après-midi.

À 20 heures, tandis que la foule commence de se disperser, des policiers s'acharnent sur la cohue qui se presse dans l'escalier du métro. Des manifestants, assommés, sont même jetés par-dessus la rambarde sur les manifestants collés aux grilles...

Enfin, les grilles cèdent sous la pression de la foule. À l'heure du bilan, on comptera huit morts, victimes d'étouffement ou d'infarctus, ainsi qu'une centaine de blessés parmi les manifestants et un peu plus de deux cents parmi les forces de l'ordre.

Quarante jours plus tard seront signés les accords d'Évian, mettant fin à la guerre d'Algérie mais non aux dissensions et aux ressentiments nés de celle-ci, tant parmi les Algériens que parmi les Français.

André Larané
 
 
 
Les victimes des violences policières du 8 février 1962 au métro Charonne :
 
- Jean-Pierre BERNARD, 30 ans, dessinateur aux PTT;
- Fanny DEWERPE, 30 ANS, sténodactylographe;
- Daniel FERY, 15 ans, employé de presse;
- Anne GODEAU, 24 ans, agent d'exploitation aux PTT;
- Edouard LEMARCHAND, 40 ans, employé de presse;
- Suzanne MARTORELL, 40 ans, employé de presse;
- Hippolyte PINA, 58 ans, militant du PCF et de l'Union Syndicale du Bâtiment de Seine et Oise CGT;
- Maurice POCHARD;
- Raymond WINTENGS, 44 ans, imprimeur typographe.
 
"Ce n'était pas un "accident" mais le résultat d'une violence policière banalisée et routinière."
Alain Dewerpe
 
L'Humanité censurée au lendemain du massacre de Charonne le 8 février 1962. Parmi les neufs manifestants assassinés par la police du Préfet Papon, il y avait trois salariés de ce journal : Suzanne Martorell, Daniel Fery, Edouard Lemarchand.
 
 

 

Poème de Roger Vidal :

Métro Charonne

Ferrat ne chantait pas encor nuit et brouillard

Les télégraphistes portaient nos télégrammes

Paris se la jouait de comédies en drames

La rue appartenait aux titis débrouillards

Ou bien au va et vient de ces drôles de dames...

 

Là bas en Algérie un monde s'écroulait

Comme une mosaïque ou la tour de Babel,

Dispendieux de couleurs et riches en décibels,

Avec ses conquérants aux rêves refoulés,

Un autre renaissait, descendant des djebels

 

A Paris et Alger, à Marseille et Oran

C'était un même cri pour une double attente

Et la vie qui allait et la marée montante

Et les feux d'artifice aux éclats colorant

De rouge et puis de bleu les nuits dans la tourmente.

 

Et oui la fin d'un monde où le fascisme tue

La haine qui explose en un plastic meurtrier

On se dit exilé ou bien rapatrié

Mais qu'importe les mots quand on est abattu

Ici on tue les gens sans toujours les trier.

 

Le jeudi huit février, ils étaient trente mille

A battre le pavé de notre capitale,

Parce qu'ils refusaient cette marque brutale

Qu'imprimaient les factieux dans le coeur de nos villes

Ils étaient trente mille en harmonie totale.

 

"Des slogans et des chants mais aucune violence",

Telle était la consigne et tous la respectaient

Leur combat était vrai et sans ambigüité

La paix juste la paix et sans ambivalence

Ils étaient venus là sans animosité.

 

Mais la mort les guettait à l'angle d'un bistro

La mort par le "bidule" en un choix de hasard

Thanatos attendait n'importe où, charognard

Puis il les rattrapa aux portes d'un métro

Et s'écoula leur vie comme un sang communard.

 

Ils s'y mirent à neuf, sans chichis ni dentelles

Pour mourir à Paris, quoi d'autre en vérité ?

Ah oui ce rêve là d'une autre Humanité.

Lisez leur nom gravé simplement sur la stèle.

Charonne, 8 février 1962
La BD de Désirée et Alain Frappier. Préfacée par Benjamin Stora

La BD de Désirée et Alain Frappier. Préfacée par Benjamin Stora

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