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Chez Jeannette Fleurs

“Je m'intéresse à tout, je n'y peux rien.” Paul Valéry. Poussez la porte de la boutique : plus de 2.200 articles.

Gibraltar !

« Le rocher de Gibraltar forme, avec celui qui domine Ceuta sur la côte africaine, les célèbres colonnes d'Hercule. »

« C'est le seul passage maritime entre l'océan Atlantique et la mer Méditerranée. »

Le seul passage…

Dans ma petite résidence aussi il y a un passage entre les deux immeubles…

Et il y a aussi un guetteur en haut du rocher.

Guetteur à qui rien n’échappe.

….

Elle fait partie du club très privé des 4 points noirs chez nous.

J’ai mis du temps pour allonger mes mots car elle ne m’est pas du tout antipathique….

Bien au contraire.

D’ailleurs, quand je suis arrivée ici, je me souviens de deux faits.

Le premier était une mise en garde : « Mon pauvre petit, vous allez voir, ça ne vole pas haut, ici »

Le second était un service. Comme ma cuisinière électrique n’était pas encore installée, elle m’a prêté un petit Butagaz de camping. Ce qui m’a bien dépannée, à l’époque.

Nos premières relations ont été donc plutôt bonnes.

C’est une femme intelligente. Elle fut secrétaire de notaire dans un cabinet parisien.

Elle sait écrire. D’ailleurs, elle ne s’en prive pas…

C’est elle qui écrit le plus souvent à notre bailleur. Pour tout. Pour rien.

C’est aussi elle qui tient de bien étranges registres…

Elle aligne soigneusement les numéros des plaques d’immatriculation des voitures qui s’aventurent à se garer sur notre parking. De toutes les voitures. Celles qui restent comme celles qui passent.

Avec en face les noms de leurs propriétaires. Quand elle les connait.

J'ai appris très vite qu'elle avait subi un divorce douloureux qui l'a laissé seule à élever ses 3 enfants.

Donc, je l’avais plutôt à la bonne.

Ici, son accent gouailleur la fait surnommer « la parisienne ». J’aime plutôt bien cette voix aux accents traînants et un peu rocailleux. Ces voix séduisantes des fumeurs…

Quand elle m’a vu habillée en hospitalière de Lourdes, elle a pleuré car cela lui rappelait « le voile bleu », un film avec Gaby Morlaix en infirmière pendant la Grande Guerre.

Cultivée elle est, la dame, cultivée.

Je leur ai rapporté à chacune un petit flacon d’eau de Lourdes.

Je l’avais plutôt à la bonne.

Pour preuve, quand j’ai organisé la venue de Denis Seznec à Lormaye, je lui ai demandé de venir m’aider pour tenir la caisse à l’entrée.

J’avais une totale confiance. Elle est très honnête et la comptabilité n’a pas de secrets pour elle.

Donc ça partait plutôt bien nous deux, cet été 2003.

Et puis, le deuxième été (2004) comme il a fait trop chaud, ça a un peu dégénéré.

Elle fréquentait, comme moi, sa voisine du dessous qui nous réunissait sur sa petite terrasse.

Une bretonne autoritaire qui avait tenu un hôtel à Paris (sic).

J’allais et je venais…

Mais je prenais du plaisir à m’asseoir en leur compagnie.

Et puis il y a eu cette histoire de serrure…

La petite Mimi, l’une de nos locataires un brin midinette sur le retour, la petite Mimi s’est mêlée, après avoir éclusé un peu trop d’apéros, de détruire la serrure de la porte qui donne sur la rue des Grenets.

Je l’ai trouvée assise dans les escaliers et en larmes ce dimanche-là alors que je rentrais de la messe.

Mon sang n’a fait qu’un tour. « Il faut sauver le soldat Mimi ! »

J’étais, bien sûr, la seule à cette époque à avoir Internet et un fax à la maison.

J’ai donc prévenu illico notre bailleur. En lui précisant que je faisais réparer la serrure gratuitement (non, je n’avais pas balancé Mimi, c’est pas dans mes coutumes…)

J’ai donc prévenu mon pote serrurier à Lormaye, Gérard, pour qu’il change la serrure. Mais….

Nouvelle serrure = nouvelles clés.

J’ai alors fait le tour de tous les locataires pour leur demander le nombre de nouvelles clés qu’ils souhaitaient. Et je leur ai remises contre argent sonnant et trébuchant. Chacun a eu son petit reçu (j’ai encore les doubles…)

Je suis donc passée partout.

Oui, oui, vous lisez bien, à l’époque j’y croyais encore en la fraternité universelle.

Sauf que Mme R., ma voisine d’en face, tenait sa réputation d’amabilité du fait qu’elle refilait des clés gratos à tous ses potes pour qu’ils puissent venir garer leurs voitures sur notre parking « privé ».

Alors, elle, mon histoire de clés, ça ne l’a pas fait, mais pas fait du tout !

Et elle a rapidement harangué les autres grands-mères pour les monter contre moi.

Je ne m’en souciais pas, sauf que dans le nombre, il y avait Gibraltar.

Qui, sans doute, trouvait là un délicieux os à ronger…

Gibraltar c’est bon cœur et grande gueule.

Parfois c’est grande gueule tout court.

Et cette fois-là ça n’a pas manqué…

Un petit refroidissement, mais rien de bien grave !

Et puis j’avais quelques petits travaux à faire dans ma cuisine pour accrocher différents petits meubles.

J’ai donc demandé à un certain Didier, l’un de nos locataires, de venir m’aider.

Quand il est venu. Il a regardé par la fenêtre de ma cuisine, juste vers la fenêtre de Gibraltar et il a décoché : « Elle peut se cacher, je la vois par l’ombre de ses lunettes ! »

Je n’y avais jamais pensé !!!

Et s’il y a quelque chose que je déteste, c’est bien d’être épiée chez moi… Pas vous ?

A partir de ce foutu jour, j'ai bien remarqué les fenêtres constamment ouvertes de Gibraltar aux heures cruciales de la journée : déjeuner, passage du facteur, etc...

Et puis voilà que sa suivante qui économisait un euro par jour a pu se payer un voyage en Floride. J’étais contente pour cette petite dame, qui, avec tous ses enfants, n’avait pas eu la vie douce.

Mais Gibraltar m’a tout de suite balancé « ça sert à rien… Elle ne va rien comprendre ! »

Dans la même période, à force de courir partout pour travailler plus, j’avais réussi à cumuler une mission d’attachée de presse à Paris la semaine et une garde d’un délicieux vieux monsieur à domicile le week-end…

Ce qui devait arriver, arriva !

Je suis tombée en allant m’acheter de l’essence.

Bilan : une côte cassée et une main cassée. A droite, bien entendu.

J’ai pleuré toutes les larmes de mon corps, car pas de Lourdes pour moi alors que c’était – grâce à moi, je le précise – c’était la première fois que nous pouvions emmener des malades de notre canton à la cité mariale…

Donc pas de Lourdes…

Le 18 août, il fut décidé que l’on fêterait mon anniversaire à la maison.

Une joyeuse compagnie…

Mais j’avais pris les devants, j’avais téléphoné à notre gendarmerie locale pour alerter qu’il y aurait sûrement du bruit ce soir-là et j’avais apposé deux petites pancartes aux boîtes à lettres pour prévenir les locataires.

Il faisait beau.

Il faisait chaud.

La porte fenêtre était largement ouverte et nous avons beaucoup ri.

Jusqu’à minuit. Ou un peu plus.

Le lendemain matin au courrier je croisais Gibraltar flanquée de son éternelle suivante… Elle ne me loupa pas et m’asséna de sa voix gouailleuse : « Je ne sais pas si vous avez mal à votre côte mais en tout cas ça ne vous a pas empêché de bien rigoler hier soir ! »

Comment peut-on reprocher à quelqu’un, qui a prévenu poliment, de s’être amusée le soir de son anniversaire ??? Comment ???

A dater de ce jour, nos relations n’ont fait qu’empirer. Je la saluais, mais elle ne me ratait pas. L’accent gouailleur des débuts m’était devenu insupportable !

Vannes sur vannes.

J’ai donc pris mes distances…

Cet été quand je suis rentrée de l’hôpital de La Musse, je ne voulais plus aucune dispute avec les différents locataires.

J’ai donc été aimable.

J’ai croisé Gibraltar chez une petite voisine qui fabrique des bijoux et qui avait fait un goûter portes ouvertes pour nous montrer ses réalisations.

J’avais toujours mon petit pansement sur la tête. Et, à cause de lui, je ne me promenais pas dans le bourg.

Gibraltar ne m’a pas loupée : « elle est beaucoup plus calme, Liliane, depuis qu’elle a été trépanée ! » a-t-elle asséné à la voisine aux bijoux. Qui me l'a répété illico.

Cela m’a fait plutôt rigoler, jusqu’au jour où…

Nous avons fait la connaissance de Frank, le nouveau voisin au joli look hollandais avec ses deux petits enfants métisses.

Le premier soir, un samedi fin juillet, nous avons discuté sur la terrasse de l’appartement juste en-dessous de Gibraltar.

Nous avons beaucoup discuté et nous avons beaucoup ri.

Sans boire une goutte de quoi que ce soit.

C’est toujours comme ça le charme du début des grandes amitiés comme celui des grands amours.

Dès le lendemain matin, Gibraltar s’est pointée chez la voisine, en râlant que c’était inqualifiable le bruit le soir ! Qu'elle ne pouvait plus entendre sa télé tellement nous avions été bruyants !»

Nous avions décidé de remettre ça et nous avons remis ça presque tous les soirs du mois d’août chez l’un ou chez l’autre.

Gibraltar était déchaînée. Elle vociférait. Elle hurlait des injures aux boîtes à lettres et par ses fenêtres…Elle haranguait les foules…

Quand Frank est rentré de quelques jours de vacances sur la Côte, je l’ai entendu dire : « Elles sont en train de pisser de bonheur sur la terrasse parce qu’il est rentré ! »

Personne n’avait osé parler ainsi de moi !

Je ne l’ai jamais ni menacée ni interpelée.

Je suis juste restée dans le plus grand silence.

Je sais qu’elle a écrit au bailleur pour nous dénoncer nous et nos apéros. Je sais aussi ce qu’une première adjointe m’a dit un après-midi en venant chez moi « Ici vous n’êtes pas dans une maison de retraite. C’est très bien d’entretenir de bons rapports avec vos voisins. »

Encore cette sale maladie de la délation.

Non, je ne l’ai pas cette maladie-là. Et elle me répugne !

Quand j’ai quelque chose à dire, je le dis directement. Ou parfois je l’écris car je ne veux pas de contacts belliqueux.

Ce que je n’ai pas encore compris ( ?) c’est qu’une lettre, quelque soit son contenu – amène à la réflexion suivante toute tracée : « Elle m’a envoyé une lettre d’injures ! »

C’est qu’un SMS ou un mail – même le plus gentil – peut être violemment retourné contre vous.

Alors…

Et bien alors je continuerai à être telle que je suis.

Ni pire ni meilleure.

Juste authentique.

Liliane Langellier

Gibraltar...

Gibraltar...

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