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Chez Jeannette Fleurs

“Je m'intéresse à tout, je n'y peux rien.” Paul Valéry. Poussez la porte de la boutique : plus de 2.200 articles.

Les seventies à Dreux

Je le connaissais depuis longtemps Jean-Claude Langellier…

Mais, c’est ce printemps-là que nous avons commencé notre histoire !

J’étais un peu écoeurée de ma vie de patachon, des sorties en boîtes privées avec Chouket, même si la Tour de Nesle – où elle avait ses entrées – était LE monument de l’époque.

Je venais de vivre une rupture difficile avec Yannick,un guitariste breton connu à la Fac de Nanterre...

C’était ma première année d’études rue Soufflot et je m’y montrais brillante.

Je fréquentais Sylvie Lancel et nous écrémions, pour déjeuner, les brasseries de Saint Michel.

Je venais toujours à Chaudon pour les vacances de Pâques.

Le confort y était encore un peu rudimentaire : pas de chaudière, mais des Godins à boulets Bernot, pas d’eau chaude pour laver mes longs cheveux…

Mais, là, j’y étais heureuse !

Une fois de plus mon amie Babeth m’accompagnait.

Nous avions établi notre QG dans la chambre de Granny Louise pour pouvoir faire du feu dans la cheminée, s’asseoir sur les tapis, et bruler notre encens indien en écoutant « Suzanne » de Leonard Cohen.

Babeth et moi, nous avions aussi phagocyté la chambre de maître…

C’est là où nous nous sommes embrassés pour la première fois, mon Langellier et moi.

Je portais un jeans vert pâle de chez Newton et un pull over en cachemire noir à col roulé.

Nous nous connaissions depuis longtemps…

Depuis le jour de mes 18 ans (été 1965). Il avait alors 15 ans et demi et était tombé éperdument amoureux !

Il avait dit à ses collègues de l’Imprimerie Moderne où il étudiait la typographie, il avait dit que j’étais la femme de sa vie. Et qu’il m’épouserait un jour…

Le grand frère avait bien essayé de calmer ses élans en lui disant que j’étais juste le genre de Parisienne à épouser un médecin ou un avocat.

Je l’ai vraiment vu ce 6 avril. Avec son trench Bogart, et sa grande mèche brune qui lui barrait le front, dans l’encoignure de la porte du salon…

Qu’ils sont donc beaux les amours balbutiants….

J’avais des ailes…

Mes parents nous avaient donné de l’argent de poche pour nos balades à Dreux…

Mais nous faisions du stop. Et économisions pour nous payer du whisky….

La bande de mon Langellier se composait comme suit :

« Cousin » d’abord. Avec qui il partageait les études de typo. Un long jeune homme brun et frisé. Qui tomba raide dingue de Babeth.

Patrick, ensuite, un peu plus jeune, un peu plus timide, mais très joli garçon.

« Pigeon » un pote à la tignasse « O’Cedar » comme l’avait surnommé mon père.

« Chudoba » un drôle de mec. Merveilleux dessinateur et fan absolu des groupes anglais. Et plus particulièrement de John Mayall.

« Coiffeur »ensuite, qui comme son nom l’indique…

« Baron » enfin. Jean-Jacques, un cycliste rigolo à la bouille bien sympathique.

Quand mes parents sont arrivés le jour de Pâques, ils se sont tous sauvés par la fenêtre pendant qu'ils entraient par la porte...

Nous allions donc à Dreux en auto stop.

Nous fréquentions l’Auberge Normande », lieu des petits bourges de l’époque, mais surtout « Le Rallye », chez Georges, dans la rue Parisis.

Où nous nous retrouvions chaque samedi soir pour nous répartir dans les voitures et partir danser en boites.

Folle époque !

Mon futur beau-frère Jacky, avec sa mentalité FN, organisait des descentes avec ses copains à La Louise, frappant et vociférant aux volets sous prétexte que nous nous droguions (?)

Et puis…

Et puis qu’importe j’étais a-mou-reu-se….

Mes vacances d’été étaient prévues. Nous devions partir avec Chouket à Ibiza retrouver la bande des Senghor.

Mais là, ça ne le faisait plus du tout.

Nous avons donc échafaudé un plan pour partir à Argelès-sur-mer. Mon Langellier avait découvert cette région en campant avec ses parents…

Nous devions déjà partir à quatre (Michel et Babeth, Langellier et moi) et puis vinrent aussi les autres…

C’est à ce moment-là qu’intervinrent deux événements marquants de ma vie de jeune fille.

Le père de mon Langellier, fou de rage de ce flirt, envoya une lettre à mon père pour nous interdire de partir en vacances ensemble, sinon il nous envoyait la gendarmerie et m’accusait de détournement de mineur.

J’allais avoir 22 ans et lui 19 ans ½.

La colère du paternel, ce fut quelque chose…

Il eut quand même la bonté de me convoquer pour savoir si cette histoire était sérieuse, ou tout simplement l’un de mes nombreux flirts…

Je pleurai en avouant que je venais de rencontrer l’homme de ma vie.

Alors il a écrit. Il a mis tout son amour de père pour me défendre et expliquer que j’étais une jeune fille bien élevée, et non une pute comme le laissait supposer l’autre.

Quand papa est mort, j’ai retrouvé la lettre du beau-père dans son portefeuille.

C’est terrible la province !

Surtout la province coincée des petits bourgeois catholiques. Surtout dans ces années-là.

Donc papa me défendait. Mais supprimait mon argent de poche pour les grandes vacances.

Alors, là, ça ne l’a pas fait !

Mon amie Sylvie Lancel m’a obtenu un job pour vendre des valises en sous-sol du magasin de son papa à l’Opéra.

C’était épuisant et très strict sur la tenue des vendeuses (cheveux en chignon, bras couverts, robes ou jupes pas trop courtes, etc…)

Il faisait chaud et j’étais épuisée.

Un samedi soir où je n’avais pas de nouvelles de mon amoureux, j’ai piqué une crise (je travaillais les samedis) et je suis montée me coucher sans diner.

Et puis voilà que les deux voitures de Dreux se sont pointées Route de la Reine.

Je me suis levée illico, maquillée, habillée mignonne et je me préparais à sortir quand mon père a ouvert la porte de ma chambre.

« Tu te moques de qui, là ??? »

« Tu es trop fatiguée pour diner avec nous et dès qu’il claque des doigts tu vas le retrouver ??? »

Les copains étaient descendus de voiture et avaient envahi la boutique, plaidant ma cause.

C’est ainsi que « coiffeur » a passé la nuit avec papa pour le calmer tandis que nous, nous allions danser en boite !

Folle jeunesse !

Nous sommes bien partis tous ensemble à Argelès. Sauf que maman –affolée par l’idée de voir sa petite chérie camper –avait allongé la sauce et nous avait fait retenir une chambre à Port Vendres.

Ce fut assez rapide.

Babeth partagea la tente de « Cousin » et Langellier partagea ma chambre. Tant pis pour le Père La Vertu drouais !

Je devais apprendre, des décennies plus tard que le Père La Vertu avait en fait épousé ma belle mère alors qu’elle était enceinte jusqu’aux dents.

Et oui, faites ce que je vous dis, faites pas ce que je fais.

Et puis l’automne arriva.

Je fis couper mes longs cheveux chez Carita.

Je continuais mes cours d'arrache pied. J'avais en plus repris l'Allemand au Goethe Institut...

Il me voyait toujours en lousdé car Madame sa Mère ne tarissait pas de haine contre moi…

Langellier était mon premier amant, mais… Je lui avais appartenu trop tôt… Je n’étais pas une fille pour lui.

Robert alla jusqu’à dire que j’étais le genre de femme qu’on prend pour maîtresse pour s’amuser mais pas pour femme…

Des joies de la petite bourgeoisie étriquée de province !

De son côté, « Cousin » devait batailler contre son père. Un géant, le père Letellier. Qui ne supportait pas que son fisset ait une petite amie parisienne.

Son épouse, Thérèse, la sœur de Robert, était une petite femme toute douce qui n’osait pas contrarier son mari.

La liaison avec Babeth n’y survécut pas.

Nous avons tout de même passé un joyeux 31 décembre, tous ensemble à Chaudon (lire mes 31 décembre).

Et puis l’année 1970 est vite arrivée.

A partir de Pâques, nous allions danser régulièrement au Vidocq à Dreux, rue de la Grande Falaise, où nous retrouvions toute la bande.

Le D.J. s'appelait Alain. Et il a épousé la soeur de Michel, la jeune cousine de Langellier. Là aussi le père Letellier a adouci ses mesures de rétorsion, car Martine avait tout juste 16 ans quand elle a commencé à sortir avec Alain !

Mais Langellier et moi, nous nous sommes vus de plus en plus en couple.

Il m’a acheté une bague de fiançailles chez Emile Obrey, rue de la Paix. Là où Sylvie Lancel avait eu son superbe saphir. Il a acheté cette bague en cachette de sa mère, bien sûr. Mère qui, tellement autoritaire et radin, lui prenait son salaire chaque mois et le plaçait sur un compte épargne.

C'est Emile qui, le tout premier, m'a percé les oreilles dans sa boutique en 1970.

Quant à mon Langellier, il devait partir à l’armée en juillet 1970 (sa classe).

J’avais brillamment terminé mon école et je commençais à bosser dans la publicité.

J'avais vu Woodstock au cinéma et ma vie s'en trouvait changée.

Je portais des petits sabots blancs et un costume de peintre blanc à pattes d'eph de chez François et Marité Girbaud. Avec des tee-shirts de couleurs Tye and Dye.

Des robes fleuries très courtes ou très longues, selon.

Nous avions décidé de nous marier le 31 juillet 1971.

Juste le lendemain de la fin de son service militaire.

Bien que ma future belle mère ait déliré sur l’importance de se marier en costume de marin…

Et qu’elle m’ait finalement reçue à l’automne 1970, car son fils aîné venait de se marier entre quatre témoins à la mairie de Paris XVIe...

Et qu’elle voulait éviter cela pour le deuxième.

Le « Quevontdirelesgens » régissait sa vie.

Elle n’a jamais régi la mienne.

Langellier s’est juste un peu énervé quand sa mère, ivre de bonheur, lui a dit que son petit dernier « fréquentait ».

Oui, il fréquentait une fille de Marcilly âgée de 16 ans. Avec qui il partait en camping pour les vacances...

Mais celle-là elle n’avait pas fait d’études, elle n’était pas parisienne et elle avait des terres.

La belle-mère  aurait aussi adoré recevoir la femme de l'aîné : Xavière, car fille d'un lieutenant colonel... Mais celle-là, elle a passé son temps à les injurier !

Bénis soient les militaires et les propriétaires de terres...

Et oui...

Trois poids trois mesures... Quoi !

Vu !

Liliane Langellier

La grande rue de Dreux en 1970.

La grande rue de Dreux en 1970.

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E
Ce blog me parle, car tous les noms me sont familiers. Nous avions les mêmes amis communs Pigeon, Chudo, Baron, Michel Letellier. Le Vidocq et le Relais de la rue Parisis avec Georges Apostolidès et sa grosse moustache. J'avais 16 ans en 1968... Pourquoi je suis tombé sur ce blog ? certainement la nostalgie commune de cette époque. Ce fut un plaisir à lire...
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A
beau blog. un plaisir de venir flâner sur vos pages. une belle découverte et un enchantement
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