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Chez Jeannette Fleurs

“Je m'intéresse à tout, je n'y peux rien.” Paul Valéry. Poussez la porte de la boutique : plus de 2.200 articles.

Camille Claudel est née le 8 décembre 1864 à Fère-en-Tardenois (Aisne)...

Camille Claudel à Rodin : « Surtout ne me trompez plus »

C’est aujourd’hui,

Vendredi 8 décembre, l’anniversaire de la naissance de Camille Claudel (8 décembre 1864-1943)…

Camille Claudel a été l'élève du sculpteur Auguste Rodin (1840-1917) : l’artiste aura-t-elle fini par dépasser le maître ? L'histoire est connue : le maître de Meudon et son apprentie ont entretenu une relation amoureuse passionnée. La différence d'âge (de 24 ans) des deux amants et la situation patrimoniale du sculpteur ont contribué à rendre cette relation impossible… – Cependant, la raison la plus importante de la rupture (programmée) de cette passion, n’a-t-elle pas plutôt trouvé sa source dans les œuvres respectives des deux artistes, dont les territoires ont fini par se confondre ?...

Claudel et Rodin : un conflit de territoire esthétique…

Camille Claudel avait rejoint Rodin après avoir été enseignée durant une année par Alfred Boucher (1850-1934), un sculpteur qui avait fait fortune dès l’âge de quarante ans ; celui-ci n’aspirant plus qu’à aider les débutants et s’illustrer au travers d’actions de mécénat…

D’extraction modeste, se souvenant de ses débuts difficiles, Alfred Boucher voulant s’investir dans un projet communautaire – rêvant de bâtir une sorte de phalanstère, un hôtel coopératif ; l’an 1900, aura finalement créé une cité d’artistes dans le quinzième arrondissement de la Ville Lumière – à Montparnasse ; laquelle, sur le modèle du Bateau-Lavoir à Montmartre, sera devenue un haut-lieu de la vie artistique parisienne (et internationale) du début du vingtième siècle. En effet, ne serait-ce que par ouïe dire : qui ne connaît pas La Ruche ?...

Village cosmopolite, La Ruche aura hébergé nombre de talents, parmi lesquels, entre autres, les peintres marc Chagall, Marie Laurencin, Modigliani et Soutine ; puis le sculpteur Constantin Brancusi ;  et aussi les poètes Guillaume Apollinaire et Max Jacob…

– Oui, le temps est venu où Claudel, maîtresse de son langage a influencé/alimenté le travail de son mentor au détriment du sien... Entre le maître et l’élève, entre le sculpteur et la muse, entre les amants, après que la fusion sentimentale, physique, intellectuelle et artistique se soit produite : les jeux étaient faits. Il revenait à Claudel de quitter le domicile-atelier de celui qui était déjà considéré tel l'un des Pères de la sculpture moderne.

L’an 1884, quand Camille Claudel avait débarqué à Meudon, chez Rodin, la jeune femme était déjà habituée à mener une vie très libre… Son futur mentor, quant à lui, vivait à Meudon, en concubinage avec sa compagne Rose Beuret (1844-1917), dans la villa des Brillants, attenante aux célèbres ateliers de sculpture.

Auguste Rodin et Rose Beuret vivaient à Meudon en compagnie de leurs chevaux et de leurs chiens, de deux vaches, de poules, de canards et de cygnes ; sans oublier la guenon du couple marital…

Camille Claudel avait été son élève, puis son assistante, puis sa muse, puis sa maîtresse ; l'artiste, désormais – était devenue sa rivale ou bien son obligée, il fallait choisir.

Partir pour conserver le nom de Claudel, ou alors rester et mourir sur le plan artistique – car tout allait disparaître sous la seule signature de celui qui avait déjà des commandes publiques et un nom.

Camille Claudel devait partir ou alors renoncer à son œuvre et sacrifier sa liberté intellectuelle et artistique. Artiste absolue, la jeune femme a quitté le domicile-atelier de Rodin ; et, en même temps, la tutelle du mentor qu'elle avait peut-être fini par dominer sur le plan artistique. Ne reprochait-on pas à Claudel de faire du Rodin et à Rodin de vampiriser Claudel ?

Selon Rodin, toutefois, la sculptrice était bien une grande artiste, et son autonomie ne faisait aucun doute : « Je lui ai montré où trouver de l’or, mais l’or qu’elle trouve est bien à elle. »

Et puis, si l’on se fonde sur les témoignages de ses proches et la légende familiale, on en déduit que Claudel avait toujours sculpté ; d’instinct, à commencer par la terre glaise qu’elle trouvait dans la forêt, aux alentours du village où la famille habitait, à Villeneuve-sur-Fère, une commune située dans le département de l’Aisne, en Région Hauts-de-France.

Désormais isolée, sans aucun soutien institutionnel, disposant de peu de moyens financiers ; Claudel, durant une dizaine d'années, aura continué à produire – et puis plus rien.

L'œuvre de Camille Claudel, figure emblématique de la révolution des valeurs qui s'est produite à Montmartre à la Belle Époque a été réhabilitée ; mais l'artiste, de son vivant, a enduré le pire, puisque, contre son gré, Claudel aura été internée en hôpital psychiatrique durant 30 ans ; depuis l’an 1913 – en date du 3 mars : jusqu'à sa mort, survenue, alors qu’elle était âgée de soixante-dix neuf ans…

Avant de se murer dans le silence, chaque 3 mars, l'artiste évoquait « l'anniversaire de son enlèvement »

Pour régulariser la situation, Auguste Rodin et Rose Beuret s’étaient mariés quelques jours avant le décès de madame – et reposent, désormais, à Meudon, dans le parc du musée de la Villa des Brillants… Au-dessus de la sépulture des époux Rodin, a été implantée la célèbre sculpture de celui que l’on considère tel le Père de la sculpture moderne ; à savoir – Le Penseur : cette pièce qui avait été initialement créée pour orner le tympan de La Porte de l’Enfer…

De son côté, à l'issue d'un internement qui aura duré trente ans, Camille Claudel est décédée à l’hôpital psychiatrique de Montdevergues, en la commune de Montfavet, à Avignon (Vaucluse), en Région Provence-Alpes-Côte d’Azur.

On a dit que les ossements de l'artiste avaient été récupérés et dûment placés dans l’ossuaire de l’institution... mais la dépouille de l’artiste ayant été ensevelie dans un caveau collectif, dans le carré des aliéné(e)s de la Maison de Santé avignonnaise réservé à la fosse commune, cela n'est pas vrai.

On a parlé,

à propos de l’internement de Camille Claudel (1864-1943) exécuté contre son gré le 10 mars 1913, sur demande de la famille ; d’un côté, de « crime clérical » – de l’autre, de « séquestration légale » : mais les deux qualifications ne se complètent-elles pas ?...

– Car, si l’artiste a bien été internée à l’instigation de son frère Paul, et si sa mère, âgée, alors, de 73 ans, a pu signer « une demande de placement volontaire » : c’est bien parce que cette dernière, pour agir d’autorité à l’endroit de sa fille, aura encore pu se fonder sur la Loi du 30 juin 1838, dite la « loi des aliénés » qui avait été promulguée par Louis-Philippe (1773-1850) en sa qualité de roi de France (le dernier).

– Or, si Sa Majesté avait bien mis en place un régime parlementaire, le roi n'en demeurait pas moins soumis au Vatican via la politique concordataire qui avait été mise en place l'an 1801, par Napoléon Bonaparte, Premier consul (1869-1821).

Nonobstant, pour que la demande d'internement de la famille soit valide, encore fallait-il qu'un représentant du corps médical la paraphât lui aussi ; eh bien, au regard de cette formalité, voici ce que le docteur Michaux aura diagnostiqué le 7 mars 1913 pour servir ce que de droit en guise de signature :

« Je soussigné docteur Michaux, certifie que Mademoiselle Camille Claudel est atteinte de troubles intellectuels très sérieux ; qu’elle porte des habits misérables ; qu’elle est absolument sale, ne se lavant certainement jamais ; qu’elle passe sa vie complètement renfermée dans son logement et privée d’air ; que depuis plusieurs mois elle ne sort plus dans la journée mais qu’elle fait de rares sorties au milieu de la nuit ; (…) »

Camille Claudel, 1882

Image restaurée et colorisée par Marco Réardon

Le livre à lire sur Camille Claudel :
"Une femme" d'Anne Delbée.
 

 

"Je lui ai montré où trouver de l'or, mais l'or qu'elle trouve est bien à elle"

Auguste Rodin

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